En Suisse, les séparations/divorces sont très fréquents.
« En Suisse, près d’un mariage sur deux finit par un divorce. »
(RTS, Temps présent, 15 février 2007)
L’appauvrissement s’explique tout d’abord par la nécessité immédiate d’un second logement (un par parent séparé) auquel s’ajoutent les charges et frais associés, dont le montant cumulé est supérieur à celui du temps du foyer commun.
RTS, Temps présent, 15 février 2007)(
Pour compléter les propos des avocats et juges, il le faut pas oublier ce qu’ils coûtent eux-mêmes aux parents en frais d’avocats et de justice, d’autant que leur système fonctionne si bien que les procédures orientées en contentieux sont longues et donc encore plus coûteuses. Rappelons que la proposition du Conseil fédéral (1999) d’inclure des incitations à la médiation fédérale a été rejetée « par le Parlement sous (le) prétexte que la promotion de la médiation familiale représentait une concurrence déloyale pour les avocats » (Rolf Vetterli, Président du Tribunal cantonal de St-Gall, 2006)
Ainsi les frais d’avocats et de justice (s’étalant sur les mois ou années de la procédure) s’ajoutent à l’augmentation des frais de logements et contribuent par voie de conséquence à provoquer ou amplifier une fragilité financière latente ou déjà existante chez ces parents séparés et leurs enfants dépendants d’eux.
Le tableau ne serait pas complet si nous n’évoquions le cas de certains parents qui vont abusivement réduire leur temps de travail (pour augmenter la pension reçue sur le dos de l’autre ou la réduire si on la paye) et les pensions abusives déguisées en entretien des enfants.
Pour toutes ces raisons qui se cumulent dans un cercle vicieux, nous ne pouvons que conclure que les séparations/divorces créent une situation d’appauvrissement global des parents séparés/divorcés, qui va toucher bien plus durement ceux d’entre-eux qui manquent de ressources pour en amortir le choc, leurs enfants étant en bout de chaine de ce mécanisme d’appauvrissement.
« C’est ainsi qu’en Suisse le divorce a condamné nombre de papas au minimum vital : pension alimentaire, impôts, loyer et assurance déduits, il ne reste parfois que quelques centaines de francs par mois pour vivre. La débrouille et les magasins de seconde main deviennent alors une nécessité. La moindre dépense, pour soi-même ou pour ses enfants, un luxe. »
(RTS, Temps présent, 15 février 2007)
Sans prétendre à une énumération exhaustive, voici huit exemples des inégalités spécifiques, subies par les parents non gardiens, très majoritairement les pères, en Suisse.
Des rapports récents comme ceux de l’OFS et de l’OFAS sur la pauvreté indiquent que les foyers monoparentaux sont sur-représentés parmi les foyers pauvres. Cependant, aucun de ces rapports n’a fait la distinction entre hommes seuls sans enfants, respectivement hommes seuls avec enfants. Cela signifie donc que l’on n’est pas informé sur la prévalence des cas où le versement de pensions alimentaires entraîne les pères au-dessous du seuil de pauvreté. :
Il faut relever que la pauvreté des pères séparés et divorcés est mal connue, car aucune étude n’a été consacrée à cette catégorie de population ce que l’OFS nous a confirmé (« La situation économique des ménages monoparentaux et des personnes vivant seules dans le canton de Berne », Département fédéral de l’intérieur / OFAS, 2012, page 7: « il n’est pas possible, à partir de données fiscales, d’identifier le parent d’un enfant qui ne vit pas dans le ménage… Or ces pères ont généralement des charges financières associées à l’enfant. Théoriquement, il conviendrait de prendre en compte ces charges. Pratiquement, il est impossible de le faire »).
Par ailleurs, les statistiques relatives aux bénéficiaires de l’aide sociale ne sont pas pertinentes pour comparer la pauvreté dans les foyers monoparentaux et chez les parents seuls qui paient une pension pour leur enfant.
Les contributions d’entretien sont très élevées en Suisse. L’OCDE a comparé en 2010 les pensions versées par les débiteurs de rentes dans 14 pays industrialisés (OECD 2010, Pfl. 5 Child Support, OECD Family database). Il en ressort qu’en Suisse, la moyenne des contributions d’entretien par enfant, corrigée par le pouvoir d’achat, équivalait en 2004 à plus du double de celles versées dans les 13 autres pays. Elles représentaient 35% en moyenne du revenu net des foyers monoparentaux gardiens (les mères le plus souvent) et 49.7% du revenu net disponible des foyers monoparentaux non gardiens (les pères le plus souvent), contre 9.4% à 30% dans les autres pays.
Ces chiffres montrent que :
Sachant qu’en Suisse les débiteurs de rente sont très largement des pères, cette étude permet de comprendre que la situation matérielle des pères séparés ou divorcés soit aussi souvent difficile et même précaire.
En sus des 8 points ci-dessus pour lesquels des mesures spécifiques sont souhaitées, il nous semble que deux mesures de fond bénéficieraient aux familles séparées:
La médiation (ordonnée ou non) permet de réduire très sensiblement les frais d’avocats et de justice. La médiation ordonnée est apparue en Suisse Romande début 2020 et se développe depuis progressivement, même si elle n’est encore possible que sur une faible partie du territoire romand.
Les congés parental et paternité pour leur part, mettent les deux parents en confiance mutuelle quant à leur capacité parentale car ils peuvent tous les deux apprendre à s’occuper du bébé dès son arrivée dans le foyer, ce qui crée un lien plus fort avec chacun des deux parents, notamment avec le père qui était auparavant empêché de réaliser cette implication aussi forte que la mère car il continuait lui à travailler. Ces congés paternité et parental facilitent une reprise d’activité professionnelle par le parent (souvent la mère) qui aurait arrêté ou réduit seul(e) son temps de travail. Les salaires mensuels cumulés après l’éventuelle séparation sont alors plus importants. Les deux parents séparés vivent alors avec plus de moyens, ce qui est également au bénéfice de leurs enfants (les impôts aussi en récoltant ainsi plus, des rentrées fiscales bien supérieures d’ailleurs aux cotisations sociales ayant financé les congés paternité et parental, c’est donc un bon investissement pour la société dans son ensemble, comme l’ont confirmé les pays les ayant déjà mis en place bien avant nous). Le congé parental ne fait que pointer son nez en Suisse (le Tessin l’ayant accepté en premier début 2021) mais le congé paternité, bien que limité à deux semaines actuellement, apparu dans toute la Suisse début 2021 apporte déjà une amélioration dont les effets se feront progressivement sentir dans la répartition des tâches autour des enfants entre les jeunes parents.
« Même si les modalités de résidence des enfants ne relèvent pas de la politique de l’emploi, les politiques favorisant un partage plus égalitaire des responsabilités parentales, comme le soutien à la résidence alternée, peuvent avoir des effets sur l’autonomie financière des femmes et le niveau de vie des enfants de familles monoparentales à court terme, et aussi, potentiellement, à long terme sur les droits à la retraite de ces mères. »
La résidence alternée des enfants après une séparation : un effet positif sur l’emploi des mères (INED, 19 octobre 2022)
La garde alternée favorisant le maintien de l’activité professionnelle pour les deux parents, lutte également contre l’appauvrissement. Ainsi, l’étude du DFI/OFAS (2012) démontre que, dans le Canton de Berne, pour les 9.6% de ménages avec enfants (de moins de 18 ans) qui pratiquent une garde partagée après séparation/divorce, la situation financière des mères est sensiblement meilleure que parmi les mères ayant une garde unique. (« La situation économique des ménages monoparentaux et des personnes vivant seules dans le canton de Berne », Département fédéral de l’intérieur / OFAS, 2012). Bien que les détails des liens de causalité de ce constat ne sont pas établis, mis à part que les mères dans ce cas de figure sont mieux insérées dans le monde du travail, plusieurs explications sont possibles mais vont dans la direction qu’une répartition mieux partagée des tâches professionnelles et familiales post-séparation sont un avantage pour tous.