Congé Parental
Le congé paternité
Le congé paternité de 2 semaines est entré en vigueur en Suisse le 1er janvier 2021, après 15 ans de débats et après acceptation par la population suisse le 27 septembre 2020. Nous sommes le dernier pays de l’OCDE à l’avoir mis en place, le premier pays européen étant la Suède qui l’avait introduit en 1974. En comparaison, il est de 4 semaines en Autriche et de 8 semaines en Espagne depuis 2019, de 14 semaines en Suède, 29 en France et 52 semaines au Japon et en Corée du sud. Avec ses 2 semaines de congé paternité, la Suisse reste donc bien à la traîne.
Le congé paternité est disponible pour tous les jeunes pères en Suisse, à prendre dans les 6 mois suivant la naissance de l’enfant. Il est financé par les allocations perte de gain. Le père touche 80% de son revenu moyen durant son congé, mais 196 francs maximum par jour (l’éventuelle différence entre ce montant et le salaire du père pouvant être comblée par l’employeur selon les bénéfices octroyés par celui-ci). Il est remarquable que les cantons qui étaient les plus réfractaires au congé paternité sont ceux où les pères l’utilisent le plus, signe probable d’une évolution des mentalités en faveur d’une plus grande adoption de ce congé. Le congé paternité n’étant actuellement pas obligatoire pour le jeune père, sous la pression de certains employeurs, une proportion encore trop faible (70%) de jeunes pères le prend, n’osant pas user de leur droit. Conscient de cette pression, certains autres pays l’ont rendu ou sont en passe de le rendre obligatoire. Le congé paternité est comparable dans son principe au congé maternité de 14 semaines disponible en Suisse au niveau fédéral depuis 2005 (16 semaines à Genève depuis 2000). Des employeurs, des conventions collectives offrent un congé parental plus généreux, par exemple, selon nos informations (liste non exhaustive et pas forcément à jour):
- Migros : 3 semaines
- Swisscom : 3 semaines
- Google : 12 semaines
- Johnson & Johnson: 8 semaines
- Ikea : 8 semaines
- Microsoft : 6 semaines
- Cisco : 1 mois
- Novartis : 18 semaines
- Zurich Assurance : 6 semaines. Si le père s’occupe en premier lieu du nourrisson, la durée pourra atteindre jusqu’à 16 semaines.
- Ville de Fribourg : 30 jours.
- Ville de Genève : 20 jours
- Japan Tabacco International : 20 semaines (dès 2021)
- Nestlé : 4 semaines
- IBM : 2 mois
- L’Occitane : 20 semaines pour la mère et 12 semaines pour le père, le tout payé à 100%
- Volvo : 6 mois de congé parental à 80% du salaire, depuis le avril 2021
- Allianz : 8 semaines de congé paternité depuis le janvier 2021
- Lidl : 4 semaines
Le congé paternité permet au père et à l’enfant de tisser un lien plus fort grâce à cet accueil et cette prise en charge à temps plein de 2 semaines au moment du bouleversement familial qu’est l’arrivée de l’enfant dans la famille. La présence du père, plus tôt dans la vie de l’enfant est plus importante que ce que croyaient les scientifiques dans un passé récent et amène naturellement le père à une implication plus grande car on lui en donne enfin la possibilité (comment se lever la nuit pour s’occuper du bébé quand on doit aller travailler le lendemain ?), ce qui soulage la jeune mère qui se sentira sécurisée et épaulée pour aborder une vie de famille plus équilibrée en terme de répartition des tâches. Le congé paternité, même limité à 10 jours (c’est plus dans les autres pays) contribue à l’égalité hommes femmes, permettant aux mères de se reposer plus sur les pères, ce qui sur le court terme réduit le risque de dépression pour les mères et sur le long terme facilite la poursuite de la vie professionnelle des mères, nécessaire à leur épanouissement de femme.
» La professeure d’économie renvoie à une étude sur le congé paternité en Espagne. Elle a montré que les enfants nés après l’introduction du congé paternité considéraient comme normal que les hommes s’occupent aussi de leur progéniture – contrairement aux enfants nés avant la réforme. «
(Christina Felfe, professeur d’économie à l’université de Würzburg en Allemagne et experte du marché du travail suisse, Blick, 28 février 2023)
Notons que dans la loi actuelle, il n’y a pas de protection contre le licenciement pour les pères lors de leur congé paternité de 2 semaines (cette protection existe pour le congé maternité). Une telle disposition de protection est prévue dans le projet de congé parental promu par la Commission fédérale pour les questions familiales (COFF).
Le congé parental
Le congé parental, que la Coordination Romande des Organisations Paternelles (CROP) appelle de ses voeux, peut être considéré comme une extension des congés maternité et paternité réunis. La notion de «congé parental» comprend en effet pour la Commission fédérale pour les questions familiales (COFF) également le congé de maternité et le congé de paternité.
Le porte-parole de la Coordination Romande des Organisations Paternelles (CROP), Patrick Robinson, membre de la COFF, a fortement contribué au développement du modèle du congé parental promu par la COFF.
Le congé parental est un congé accordé aux deux parents, comme son nom l’indique. Il est plus généreux que les congés maternité et paternité réunis, et il présente surtout l’intérêt d’offrir un solde de jours à répartir entre les deux parents comme ils le souhaitent, leur permettant de l’adapter à leur spécificité familiale (selon les taux de travail des deux parents, leurs contraintes respectives …)
Le congé parental n’est pas encore disponible en Suisse au niveau fédéral. Il y a cependant des cantons et des employeurs (publics et privés) qui ont pris les devants en mettant déjà un en place, comme cela avait été la cas avec le congé paternité avant son adoption au niveau fédéral. Le Tessin, par exemple a accepté en premier le congé parental début 2021. Les congés maternité et paternité existant de respectivement 14 semaines et 2 semaines n’y ont été nullement remis en question bien entendu, il y a juste 2 semaines supplémentaires pour la mère ou le père. Genève vient de montrer la voie en Romandie en acceptant l’initiative des Vert’Libéraux à 58% le 18 juin 2023. Un congé parental de 24 semaines sera donc prochainement mis en oeuvre à Genève.
Notons que depuis 2022, les pays membres de l’UE doivent introduire au minimum 4 mois de congé parental rémunéré pour chacun des parents. La Suisse est donc très en retard.
» La Suisse est le dernier bastion européen à résister au congé parental. «
(Au moins 15 semaines de congé pour les jeunes pères? Le débat relancé à Berne, Heidi News, 14 février 2023))
» Dès 2022, les pays membres de l’UE devront introduire au minimum 10 jours de congé paternité rémunérés et 4 mois de congé parental rémunéré pour chacun des parents, dont deux mois non transmissibles. «
(Swissinfo, 4 août 2020)
Le congé parental est promu par la Commission fédérale pour les questions familiales (COFF) depuis 2010. Il fait actuellement petit à petit son chemin dans les esprits en s’instaurant progressivement dans les débats dans les cantons, se mettant en place chez des employeurs avant-gardistes qui y trouvent leur intérêt malgré les coûts apparents.
» A l’heure actuelle, la Suisse connaît un congé maternité de 14 semaines et paternité de 2 semaines. La commission propose d’ajouter un congé supplémentaire de 22 semaines aux 16 existantes, pour un total de 38 semaines. C’est moins que la médiane des pays de l’OCDE, qui s’élève à 43 semaines. «La Suisse est actuellement avant-dernière du classement des 38 Etats membres », précise Monika Maire-Hefti (voir graphique). Les parents pourraient prendre chacun la moitié du congé, soit 19 semaines, ou opter pour une répartition plus flexible. «
(Se partager un congé parental, une utopie ? Arcinfo, 15 février 2023)
Le modèle proposé par la COFF (20 Minutes, 14 février 2023):
- Dans son modèle 2022, la COFF propose 15 semaines pour chacun des parents, en plus des 8 semaines d’interdiction de travail de la mère après la naissance. La mère peut prendre jusqu’à 2 semaines avant la naissance et transférer jusqu’à 7 semaines au père. Les mères bénéficient ainsi de 16 à 23 semaines et le second parent de 15 à 22 semaines.
- Un congé simultané des deux parents n’est possible que durant 2 semaines pendant les 6 mois après la naissance, sauf exceptions.
- Les 15 semaines peuvent être prises par les deux parents en un bloc, à temps partiel ou de manière fragmentée dans le temps.
- En cas de reprise d’une activité professionnelle à temps partiel ou de manière fragmentée, le droit aux allocations restantes demeure. Les deux parents bénéficient en outre d’une protection contre le licenciement pour la durée et selon la répartition du congé convenues avec leur employeur.
Sur la base de son analyse du coût estimé du congé parental selon laquelle dans les pays de référence les pères prennent 65% à 84% du congé qui leur est réservé et les mères, en moyenne, 95 % du congé disponible (Stutz H. & Bischof S., BASS SA sur mandat de la COFF (2021), Calculs des coûts d’un congé parental selon le modèle COFF 2018, Chap. 3.4. Recours du congé parental dans les pays de référence), la COFF estime judicieux, pour des raisons d’égalité de traitement, d’envisager un transfert qui permette un congé de durée égale. En conséquence, la COFF propose que les mères aient la possibilité de transférer jusqu’à sept de leurs 15 semaines de congé au second parent. Le second parent en revanche n’est autorisé à transférer aucune de ses 15 semaines à la mère. S’il ne les utilise pas, elles deviennent caduques.
Le congé parental sera prochainement, nous l’espérons une réalité pour tous les jeunes parents en Suisse après un probable vote du peuple sur cet objet. Les projets cantonaux, plus avancés pour certains, semblent pouvoir voir le jour avant cette échéance.
Aspect positif récent (début 202, au niveau fédéral a été décidé de mettre en place un traitement égalitaire entre le père et la mère dans le cas spécifique aussi rare que douloureux du décès de l’un des deux parents. Nous notons avec satisfaction que le motif avancé est la préoccupation du sort de l’enfant. Or il se trouve que car c’est également le but recherché par le congé parental.
Les bénéfices du congé parental
Le congé parental améliore le partage de la prise en charge des enfants entre les deux parents car permet aux pères de s’engager dès le début dans l’accompagnement du bébé, avec de nombreux effets positifs attendus:
» Ce modèle, en limitant la libre répartition des semaines, se veut plus égalitaire, afin d’éviter certains effets constatés dans des pays où le congé parental est mis en place. «Le libre choix a un effet négatif sur le recours au congé parental par les pères, qui laissent le plus souvent leur congé à la mère. La participation des mères au marché du travail ne s’accroît ainsi pas, avec toutes les conséquences négatives que cela implique: perspectives de carrière insatisfaisantes, salaires plus bas et prévoyance vieillesse insuffisante», explique Nadine Hoch, responsable du secrétariat scientifique de la COFF « .
(Se partager un congé parental, une utopie ? Arcinfo, 15 février 2023)
Le financement du congé parental
» Le prix du changement. C’est la pomme de discorde. A l’échelle de la Suisse, la COFF chiffre son projet de congé parental à 2,4 milliards de francs par an, en hausse de 1,4 milliard par rapport au coût actuel des congés maternité et paternité. Pour financer la différence, les cotisation APG (allocations pour perte de gain) devraient passer de 0,5% du salaire à 0,8 ou 0,9%, pris en charge à égalité entre l’employeur et l’employé. «
(Se partager un congé parental, une utopie ? Arcinfo, 15 février 2023)
L’argument principal des opposants au congé parental, à savoir le coût des cotisations le finançant, ne tient pas compte des recettes fiscales et de la diminution du recours à l’aide sociale qui en découlent. Selon l’OCDE, les pays qui ont mis en place le congé parental ont vu leurs recettes fiscales augmenter (du fait d’un taux d’emploi supérieur des femmes).
» Des modélisations de l’Union européenne montrent qu’une augmentation de 1% du taux d’emploi des femmes après l’accouchement générerait suffisamment de recettes fiscales pour compenser un congé parental intégralement rémunéré d’une durée de 18 à 20 semaines. «
(Se partager un congé parental, une utopie ? Arcinfo, 15 février 2023)
Le congé parental contribue ainsi à augmenter le taux de travail des deux parents et en particulier des mères. En effet, celles-ci expriment depuis longtemps et dans une proportion grandissante une attente légitime à se libérer d’une prise en charge des enfants encore trop déséquilibrée, pour se consacrer elles aussi à la poursuite de leur vie professionnelle après la naissance des enfants. Cette poursuite de leur activité professionnelle est ressentie par les mères comme plus facilement réalisable après avoir été rassurée par une plus ample prise en charge des enfants par le père dès l’arrivée de l’enfant. Cette implication plus grand des pères correspond également à leur attente.
» Les coûts seraient contrebalancés par une augmentation des revenus fiscaux engendrée par le maintien des mères dans le monde du travail durant l’intégralité de leur vie professionnelle, ainsi que par une diminution du recours à l’aide sociale tant pendant la vie active, notamment en cas de séparation des couples avec enfants, que pour les retraité-e-s. «
(Congé parental: un investissement nécessaire et rentable, Commission fédérale pour les questions familiales (COFF), auteur principal: Patrick Robinson (le porte-parole de la CROP), novembre 2020)
» La perte de masse salariale induite par le retrait partiel ou complet des mères du marché du travail suite à une naissance représente environ 1,5 milliard de francs par an, engendrant une perte de recettes fiscales d’environ 250 millions de francs (Jeanrenaud et Kis 2018). La perte de revenu annuelle moyenne des mères est de 21,7% pour le reste de leur carrière, soit un manque à gagner de près de 0,5 million de francs par femme en moyenne, réduisant aussi leur avoir du 2e pilier. «
(Congé parental: un investissement nécessaire et rentable, Commission fédérale pour les questions familiales (COFF), auteur principal: Patrick Robinson (le porte-parole de la CROP), novembre 2020)
Le congé parental soutient l’économie
Le congé parental ne se contente pas d’augmenter les recettes fiscales et de réduire le recours à l’aide sociale. Il contribue à soutenir l’économie suisse qui souffre de manière grandissante d’une pénurie de main-d’œuvre.
» Deux ans seulement après une très profonde récession, le marché de l’emploi suisse est déjà tari. Le changement démographique joue un rôle de plus en plus déterminant dans la pénurie de main-d’œuvre. «Durant cette décennie (2021-2030), le nombre de personnes atteignant l’âge de la retraite dépassera de beaucoup le nombre des nouveaux actifs. Il devrait en résulter d’ici 2030 un déficit de main-d’œuvre d’environ 220 000 à 250 000 personnes, même avec la réforme de l’AVS», explique Alessandro Bee, économiste d’UBS Suisse. «
(Alessandro Bee, économiste d’UBS Suisse, 7 février 2023)
Selon UBS, pour relever ce défi majeur pour les entreprises suisses et pour la politique économique, il convient d’intégrer davantage dans la vie active les travailleurs seniors et les mères.
» Faut-il rappeler que 34,5% des Suissesses avec une éducation tertiaire n’ont pas d’enfants et qu’il y a plus de femmes que d’hommes qui atteignent un tel niveau de formation ? «
(Dr Patrick Robinson, porte-parole de la CROP, Le Temps, 10 septembre 2019)
Le congé parental est une opportunité pour les entreprises
Pour l’employeur, cette plus longue indisponibilité de son employé lors du congé parental, peut représenter une gêne temporaire dans certains cas. Cette gêne temporaire sera cependant compensée par un meilleur épanouissement de l’employé jouissant d’un meilleur équilibre vie professionnelle/familiale, objectif de plus en plus recherché par un nombre croissant d’employeur pour retenir leurs employés. Une étude californienne montre qu’il a un effet positif sur la productivité, le chiffre d’affaires et l’ambiance de travail au sein de l’entreprise. Il permet de réduire la fluctuation de l’effectif, ce qui est important sur le plan financier, en particulier en ce qui concerne les employés qualifiés. Deux études, l’une suisse et l’autre allemande, arrivent également à la conclusion que les mesures favorables à la famille sont financièrement bénéfiques pour les entreprises. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle de nombreuses entreprises ont déjà mis en place un congé parental et par la passé avaient également mis en place un congé paternité avec l’obligation légale du 1er janvier 2021.
» Les expériences faites ailleurs montrent que l’efficacité pour atteindre les objectifs, tout en minimisant les contraintes de gestion du personnel pour les entreprises, dépend du modèle de congé parental adopté. «
(Dr Patrick Robinson, porte-parole de la CROP, Le Temps, 10 septembre 2019)
Dans une certaine mesure, il est même attendu une réduction des coûts à la charge de l’employeur. En effet, la Suisse étant le seul pays à ne pas offrir de congé prénatal rémunéré (voir tableau ci-dessous), pourtant bien nécessaire pour la très grande majorité des femmes (nombreux pays en rendent même une partie obligatoire). Les employeurs y trouveraient aussi leur compte puisque ce sont eux qui versent actuellement le salaire dans le cadre du congé « maladie ».
» La mère devrait aussi avoir le droit de poser un congé prénatal jusqu’à deux semaines avant la naissance de l’enfant. Nadine Hoch, responsable du secrétariat à la COFF: «Cette possibilité permettrait de réduire les coûts à la charge de l’employeur, car toute absence durant la grossesse est actuellement considérée comme une absence pour cause de maladie.» «
(Nadine Hoch, responsable du secrétariat à la COFF, Heidi News, 14 février 2023)
Le congé parental soutient la natalité
La décision de fonder une famille est influencée par de nombreux facteurs, dont le congé parental. En Suisse, de nombreuses femmes renoncent à avoir des enfants, en particulier celles qui ont une formation de degré tertiaire (Les familles en Suisse. Rapport statistique 2021, OFS). Le congé parental influence positivement le nombre de naissances. Selon une étude australienne, l’introduction d’un congé parental fait augmenter le nombre de naissances prévues de 13% en moyenne par femme désireuse d’avoir un enfant (Bonus Babies? The impact of paid parental leave on fertility intentions, Bassford M. & Fisher H. (2016), University of Queensland).
» Les statistiques démontrent que la natalité en Suisse est largement insuffisante pour le renouvellement de la population même si le nombre moyen d’enfants souhaités par femme et par homme suffirait pour son renouvellement. «
(Dr Patrick Robinson, porte-parole de la CROP, Le Temps, 10 septembre 2019)
Le congé parental peut corriger deux imperfections du congé maternité
Le congé parental incluant les congés maternité et paternité, il est possible et souhaitable de concevoir un congé parental qui corrige et améliore les imperfections des actuels congés maternité et paternité.
Concernant le congé maternité, l’introduction d’une certaine dose de flexibilité dans le congé maternité apparaît comme l’une des deux améliorations souhaitables. Certaines des réticences à cet égard sont compréhensibles (crainte qu’une flexibilisation du congé mette les mères sous plus de pression des employeurs etc), mais cependant mal fondées au vu des avantages pour les mères d’introduire certaines modifications comme le démontre les expériences dans d’autres pays d’Europe qui tirent avantage d’une certaine flexibilité. Notons que du fait de la composante de jours partageable par les deux parents entre eux, inhérente au congé parental, les pères (ou autre parent) revendiquant leur part du congé parental seraient eux aussi potentiellement sous pression de certains employeurs, ainsi le combat pour faire respecter leur droit n’incomberait donc plus qu’aux femmes.
Les opposants à l’introduction d’une flexibilisation du congé maternité arguent qu’elle serait contraire à la Convention 183 de l’OIT (protection de la maternité), ce qui n’est pas correct. Les modèles scandinaves de congé parental et en particulier le modèle islandais, sont souvent cités en Suisse comme étant exemplaires, pourtant l’Islande et la Finlande n’ont pas ratifié la convention 183 de l’OIT (voir tableau ci-dessous).
La Convention 183 de l’OIT sur la protection de la maternité précise:
Art 4 al 1 : que la mère a droit à un congé de maternité d’une durée de 14 semaines au moins dès l’accouchement,
Art 4 al 2 que le congé de maternité doit comprendre une période de congé obligatoire de 6 semaines après l’accouchement,
Art 4 al 5 que la durée du congé de maternité prénatal doit être prolongée par un congé équivalant à la période écoulée entre la date présumée et la date effective de l’accouchement, sans réduction de la durée de tout congé postnatal obligatoire.
La Suisse est ainsi un des très rares pays à ne pas rallonger pro rata le droit aux indemnités journalières aux mères qui désirent reprendre le travail, même à temps partiel, dès la 9ème semaine post partum, alors qu’il y a pourtant cette attente de la part d’une proportion non négligeable de mères.
A ce propos, nous avons contacté en 2018 le spécialiste du congé parental en Islande (Prof Ingólfur Gíslason) pour savoir pourquoi l’Islande n’avait pas signé la Convention OIT 183 (voir ci-dessous et tableau) et s’il estimait que 14 semaines post partum devraient être obligatoires pour la mère.
Question: What is your view concerning whether 14 weeks post birth should be obligatory for the mother?
Réponse: I would strongly oppose such a suggestion in Iceland. It would have a very detrimental impact on the labour market situation of women. Women with their own business such as architects, lawyers and financial advisers would not be able to adhere to such a requirement. The same goes for women highly placed in the business or political hierarchy. They would either have to give up their jobs, brake the law or not have children. Generally speaking, laws that single out women as in need of protection over and above men, due to their family situation, can only affect gender equality in a bad way.
(Prof Ingólfur Gíslason, spécialiste du congé parental en Islande, 2018)
Seconde amélioration souhaitable: la Suisse se démarque à nouveau en étant le seul pays à ne pas avoir de congé maternité prénatal rémunéré (voir tableau ci-dessous), pourtant nécessaire pour la très grande majorité des femmes, beaucoup de pays en rendent même une partie obligatoire. Les employeurs y verraient aussi leur compte puisque ce sont eux qui versent actuellement le salaire dans le cadre du congé « maladie » compensant cette absence. Alors inspirons-nous de l’expérience des autres pays d’Europe, et soyons conséquents.
Parmi les 15 pays européens n’ayant pas ratifié la Convention OIT 183, se trouvent donc 3 pays nordiques car, entre autres, elle ne permet pas aux mères de recommencer le travail (même à temps partiel) avant 6 semaines post partum (Convention 185 OIT), si elles le désirent.
Le tableau ci-dessous montre que :
- Dans tous les pays mentionnés, les mères ont droit à un congé prénatal rémunéré (jusqu’à 11 semaines), et parfois obligatoire (jusqu’à 8 semaines).
- Dans la grande majorité des pays, et dans tous les pays nordiques, il est possible pour la mère de recommencer à travailler) si elle le désire, dès 2 à 8 semaines post partum sans perdre son droit aux restant des prestations de congé.
Le modèle de la COFF de 2018 propose justement de remédier à ces deux lacunes du congé maternité actuel.
Le Tableau ci-dessous répertorie les données des modèles de congés maternité, excluant les composantes congé parental réservé pour la mère, pour le père (ou l’autre parent) à se répartir librement, ni le congé paternité.
Si l’objectif d’un congé parental est réellement d’encourager une meilleure conciliation famille-travail pour les 2 parents, alors il est nécessaire que le congé maternité actuel soit intégré dans un congé parental cohérent et efficace répondant aux besoins de femmes ayant différentes aspirations. En même temps, le congé paternité de 2 semaines entrant en vigueur en janvier 2021 nécessite d’être intégré dans un congé parental égalitaire, garantissant au moins en partie la protection de l’emploi, ce qui n’est pas le cas dans la loi actuelle.
En conclusion
Les effets positifs de la mise en place du congé parental sont donc nombreux:
- meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle pour les deux parents
- répartition plus égalitaire des activités de prise en charge de l’enfant
- favorise l’égalité hommes-femmes et pères-mères
- liberté nouvelle laissée à chaque famille pour trouver son rythme propre
- effets positifs sur le développement de l’enfant
- amélioration de la santé de l’enfant et de la mère par le renforcement de la relation père-enfant
- permet à la mère de travailler davantage
- soutien à l’économie
- augmentation des recettes fiscales
- diminution du recours à l’aide sociale
- favorise le désir d’enfant (augmentation de la natalité)
- financièrement bénéfiques pour les entreprises
Les bénéfices étant nombreux, l’attente des parents étant là, le financement étant en fait un véritable investissement, qu’attendons-nous ?
Les actions de la CROP en rapport avec le congé parental :
- Prise de position de la CROP envoyé à l’administration fédérale (CROP, 17 mars 2023)
- Congé parental: un investissement nécessaire et rentable, (Commission fédérale pour les questions familiales (COFF), auteur principal: Patrick Robinson, porte-parole de la CROP, novembre 2020)
- Modèles de congés maternité en Europe, et la Suisse ? Note/tableau pour réflexion dans le groupe « Elternzeit » animé par Pro Familia et Pro Juventute (Dr Patrick Robinson, CROP, novembre 2020)
- Congé paternité ou parental: les petits pas sont irresponsables ! (Dr Patrick Robinson, porte-parole de la Coordination romande des organisations paternelles, Le Temps, 10 septembre 2019)
Pour en savoir plus :
- Congé parental bloqué par Berne: le Canton assume son «pari» (20 Minutes, 22 mai 2024)
- Sweden: Where it’s taboo for dads to skip parental leave (BBC, 1er février 2024)
- Le congé paternité aussi pour les nouveaux pères en deuil (Travail Suisse, 31 janvier 2024)
- Les cantons qui étaient les plus réfractaires au congé paternité sont ceux où les pères l’utilisent le plus (Le Temps, 29 novembre 2023)
- Voilà ce qui se passe dans le cerveau des hommes lorsqu’ils sont en congé paternité (et pourquoi c’est une leçon importante) (Atlantico, 22 novembre 2023), traduction française de How Paternity Leave Helps Dads’ Brains Adapt to Parenting (Molly Dickens and Kate Mangino, Harvard Business Review, 15 novembre 2023)
- Congé parental: le feu vert de Genève face au feu rouge de Berne (Le Temps, 19 juin 2023)
- Le congé parental adopté à Genève, une première suisse (20 minutes, 18 juin 2023)
- Pénurie de personnel: le casse-tête des employeurs (Blick, 30 avril 2023)
- Congé parental : le biberon de la discorde ? (RTS, Infrarouge, 1er mars 2023)
- Il y aura un congé parental étendu en cas de décès de la maman (20 Minutes, le 2 mars 2023)
- Une commission recommande un congé parental de 38 semaines (Le Temps, 16 février 2023)
- Se partager un congé parental, une utopie ? (Arcinfo, 15 février 2023)
- Le congé parental de 38 semaines peine à séduire les élus (Le Temps, 15 février 2023)
- Une commission propose 38 semaines de congé parental (20 Minutes, 14 février 2023)
- Au moins 15 semaines de congé pour les jeunes pères? Le débat relancé à Berne (Heidi News, 14 février 2023)
- Congé parental : qu’attend la Suisse ? (Communiqué de presse de la COFF, 9 février 2023)
- Congé parental: qu’attend la Suisse ? (document de position de la Commission fédérale pour les questions familiales (COFF), novembre 2022, inspiré du précédent « policy brief »: Congé parental: un investissement nécessaire et rentable de novembre 2020, tout en rendant le modèle encore plus égalitaire)
- Un congé parental controversé approuvé par le Grand Conseil genevois (RTS, 27 janvier 2023)
- Le Parlement ne veut pas autoriser les cantons à légiférer sur le congé parental (RTN, 16 décembre 2021)
- Le Grand Conseil tessinois a voté un congé parental de deux semaines (Fr-app, 25 janvier 2021)
- Congé parental: deux semaines supplémentaires au Tessin (Pro Familia, 25 janvier 2021)
- Les Genevois voteront bientôt sur le congé parental (20 Minutes, 26 janvier 2022)
- Les papas aussi ont des changements hormonaux après une naissance (Le Ligueur, 18 novembre 2020)
- Boris Cyrulnik : « La présence du père, très tôt, est plus importante que ce qu’on croyait » (Radio France, 23 septembre 2020)
- Un nouveau rapport de L’UNICEF pointe du doigt les mauvais élèves en matière de politique familiale (Doctissimo, 16 juin 2019)
- Foraus propose un congé parental de neuf mois et demi (Le Temps, 15 avril 2019)
- Calculs des coûts d’un congé parental (selon le modèle COFF 2018)
- Causal Effects of Paternity Leave on Children and Parents (The Scandinavian Journal of Economics, 5 mai 2015)
Bibliographie :
- La barbe et le biberon (Tristan Champion, 2020) : Ca commence comme une histoire d’expatriation et de naissance. Tristan Champion a suivi sa femme en Norvège, où 70 % des pères prennent un congé d’au moins trois mois à la suite de celui de leur compagne. Inquiet pour sa carrière, le jeune Français, bientôt père de son deuxième enfant, rechigne à franchir le pas. « Moi, seul, cinq mois avec bébé ? ». Il y réfléchit et se laisse convaincre. Ca se poursuit comme une enquête sociétale, éducative, économique et politique. Tristan joue pleinement le jeu et s’investit dans la garde de sa petite Nora, tout en s’occupant de son aîné après l’école, des courses et du ménage. Il traverse quelques galères, fait de nombreuses rencontres, tisse des liens forts avec ses enfants et se frotte à la notion de charge mentale. Ca se termine en réflexion sur les vertus du congé parental alterné, en termes d’égalité hommes / femmes, de réduction du différentiel des salaires, du partage des tâches au sein du foyer, de conséquences sur l’emploi et du rôle du père. Et ça ouvre grand la porte à l’instauration d’un nouveau modèle de société qui serait parfaitement duplicable chez nous…