Consensus parental

Qu’est-ce que le consensus parental ?

Le consensus parental est un mode de résolution et d’évitement des conflits familiaux qui a fait ses preuves dans de nombreux pays (dont certaines régions de Suisse, voir ci-dessous) et que nous souhaitons donc voir étendu sur tout le territoire national.

« L’objectif est de limiter l’impact d’un divorce sur les enfants. Car aujourd’hui, les experts estiment que dans 15% à 20% des cas, les séparations mettent gravement en péril la santé des enfants. L’an dernier, 17’000 divorces ont été prononcés en Suisse. »

(Le Temps, 10 juin 2022)

Le consensus parental est inspiré de la méthode Cochem (également nommée pratique de Cochem) qui est une forme de médiation ordonnée. La méthode Cochem est née en 1992 dans la ville de Cochem en Allemagne.

Le consensus parental pousse les parents à s’entendre dès le début du processus de séparation. Tous les acteurs de la séparation (parents, avocats, APEA, juges, médiateurs, psychologues …) travaillent ensemble dans le but de trouver un accord qui évite à l’enfant de souffrir. Agir rapidement en amont change la donne car les institutions font souvent apparaître le conflit ou l’enveniment en laissant pourrir une situation conflictuelle par des mois et des années de procédures qui entraine frais et souffrances.

« Avocats, ayez la sensibilité de remettre l’enfant au centre des préoccupations. Vous pouvez faire de la bonne prévention en amont. »

(Dre Alessandra Duc Marwood, psychiatre, médecin ajoint au centre de consultation Les Boréales, unité du CHUV)

Les expériences faites dans plusieurs pays (Allemagne, Autriche, USA, Canada, Grande Bretagne, Pays-Bas, Norvège), démontrent que la médiation-cooperation ordonnée permet aux parents en conflits de réduire leurs conflits et de développer leurs capacités de coopération et de coresponsabilité parentales avec des effets positifs sur leurs enfants. Ce modèle de coopération ordonnée développé depuis une vingtaine d’année avec succès à Cochem en Allemagne démontre que les parties concernées (parents et enfants) doivent pouvoir se faire aider par des intervenants spécialement formés à ce type de médiation. Un élément qui a fortement influencé le succès de cette approche est que la coopération soit ordonnée et le processus entamé très rapidement (dans les 15 jours) suite à une décision de séparation. Les autorités y voient un avantage pour réduire la possibilité d’enlisement ou d’aggravation des conflits.

«Tout ce qui encourage le dialogue doit être proposé, voire imposé. Je préconise un changement de notre pratique, une prise de conscience que le bien-être de l’enfant fait partie de l’intérêt de notre client»

(Irène Wettstein, avocate veveysanne)

Sont mises en place des sessions d’information, de sensibilisation à la séparation, un accompagnement à la coparentalité, une médiation (les cinq premières séances étant financées par le canton) et dans de rares cas une thérapie ordonnées par le juge si nécessaire. Les enfants de plus de 6 ans sont invités à un entretien personnel avant l’audition de leurs parents, symbolisant la priorité mise sur l’enfant. Des psychologues et des médiateurs accompagnent les parents dès le début du processus.

Une clef importante du grand succès de la pratique de Cochem, aujourd’hui déployée dans toute l’Allemagne, réside justement dans le fait que le Juge aux affaires familiales envoie en médiation (conseil de vie) des parents en conflit même contre le gré d’un des parents.  Pour le parent le plus récalcitrant, il se voit envoyé en thérapie et son éventuel refus de collaborer est considéré comme un manque de capacité parentale voire une éventuelle maltraitance envers les enfants pouvant entraîner un refus de garde.

La méthode de Cochem est en place en Belgique à Dinant.

Intégration du modèle de consensus (Cochem) en Belgique Marie-France Carlier, juge du Tribunal de la famille de Dinant, Belgique (Luxembourg 2016)

Elle a été mise en place en 2016 dans le canton de Bâle-Ville où les parents en désaccord sont depuis envoyés en consultation, 75% d’entre eux trouvent des solutions à l’amiable. Elle a été également mise en place à St Gall (depuis au moins mars 2012).

Le consensus parental en Suisse

Il a été mis en place en Suisse romande pour la première fois en janvier 2020 en Valais, dans le district de Monthey. Le succès est au rendez-vous avec 63% en 2020 et 78% en 2021 des médiations qui ont débouché sur un accord complet ou partiel. Les avocats valaisans y participent et utilisent des formulaires de requêtes simplifiés (adaptés au modèle de consensus parental) qui permettent de communiquer en laissant moins de place aux éléments subjectifs, ou au dénigrement ou aux attitudes peu respectueuses.

« Le nombre d’accord est très élevé et la durée de la procédure a diminué, de même que la nécessité d’enquêtes sociales ou d’expertises psychojudiciaires. »

(Camille Rey-Mermet, Juge au tribunal cantonal)

Suite au succès de ce pilote, le modèle de consensus parental a été étendu début 2022 dans les districts de Martigny, d’Entremont et de Saint Maurice.

D’autres cantons projettent de mettre en place ce modèle, comme Neuchatel. Mais aussi Fribourg qui prévoit d’étendre le consensus parental sur tout le territoire fribourgeois en juin 2027, après une phase pilote prévue en 2026 dans les districts de la Glâne, la Veveyse et la Gruyère. Un projet pilote a été mis en place pour une durée de deux ans dans le canton de Vaud en janvier 2023 dans l’Est vaudois (districts de la Riviera-Pays d’en-Haut, de Lavaux-Oron et d’Aigle). Si les résultats sont positifs, il devrait être étendu à l’ensemble du canton de Vaud.. Le Service Social International Suisse (SSI Suisse) participe à l’élaboration et au montage de ce pilote dans le Canton de Vaud, comme il le fait déjà pour le canton du Valais. Il est mandaté par l’Ordre judiciaire vaudois et la Direction générale de l’enfance et de la jeunesse pour coordonner et conseiller les instances et professionnelles parties prenantes au pilote pour établir un mode opératoire pour son application.

« Le dialogue est encadré par une tierce personne neutre qui n’est pas là pour trancher le conflit, mais pour accompagner les parents dans la recherche de solutions respectant leurs besoins et ceux de l’enfant. »

(Laure Clivaz-Strehmel, présidente de l’association valaisanne de médiation)

Entretien débat de Me Sydney Kamerzin, du MCPVs et de la CROP (49 minutes)

Les actions de la CROP en rapport avec le consensus parental :

En savoir plus :

Bibliographie :

Le Livret « Pratique Éthique de médiation familiale » est l’un des textes reprenant les fondements éthiques de la médiation familiale tels que pensés à l’APMF. C’est à ce titre un de nos textes fondateurs, avec le Code de Déontologie et nos statuts.

  • Protection de l’enfance. Lettre ouverte à tous ses acteurs (Isabelle Vuistiner-Zuber, avril 2019)

« Le divorce est un délicat exercice de transition vers un cadre de vie différent, en particulier quand des enfants sont présents. Sans s’en rendre compte, on peut se mettre à glisser vers quelque chose d’ingérable et source d’une souffrance intense.

Etre attentif à ses propres réactions suite à la rupture, donner aux enfants un surcroît d’attention au moment où l’on se trouve soi-même en déséquilibre, connaître les structures et les procédures qui peuvent nous soutenir ou savoir comment s’en défendre, cet ouvrage se veut d’abord un guide à l’attention des parents.

Les huit témoignages recueillis expriment avec force combien ces situations de tension peuvent nous marquer.

Dans ce vertige de séparations scabreuses, il convient de questionner la pratique des professionnels et des si mal- aimées APEA, afin d’obtenir le respect absolu du droit des enfants à être élevés par leurs deux parents.

Je veux croire en cette capacité d’autocritique et de remise en question de tous les acteurs de la protection de l’enfance. »

Isabelle Vuistiner-Zuber
  • Au nom de l’enfant … (Anne Reiser, Ed. Favre, Novembre 2012): Autorité parentale, nom de famille, pension alimentaire, chaque fois c’est au nom de l’enfant qu’hommes et femmes se livrent les luttes les plus acharnées lors d’une séparation. En justice, c’est également en son nom que ses parents s’opposent, surtout que sa naissance représente, pour celui qui cesse ou diminue son activité professionnelle, une perte d’autonomie financière. Le processus du démariage prévu par nos lois n’a-t-il pas un effet exactement contraire au but recherché, qui est de protéger la progéniture du couple désuni? Et en attendant les réformes espérées, l’avocate Anne Reiser livre aux couples des modèles de conventions qui leur permettront de clarifier et pérenniser leurs engagements, afin qu’ils puissent, le cas échéant, se séparer sans se déchirer.